Nationale 3 : la Membrolle se rebelle.

Votre dévoué capitaine et son terrible escadron se déplaçait donc ce weekend à la Membrolle-sur-Choisille, club déjà connu de nos chers lecteurs et des membres de notre équipe jeune.

J’emmenai une équipe solide et bien déterminée à en découdre avec le club le plus lointain de notre groupe (leur fief se situe à 20 minutes en voiture de la belle ville de Tours). Une équipe classique, constituée des titulaires, à l’exception de la féminine, indisponible pour cause de grippe impromptue (cette coquine maladie s’arrange toujours pour apparaître quand on ne l’espère plus). Anne, à qui je souhaite un prompt et complet rétablissement, a laissé sa place à la dangereuse -si l’on en croit les rumeurs propagées par notre envoyée spéciale de Cogolin- et vipérine Mathilde Boyeldieu d’Auvigny.

Ma compagne à la vie devient donc le temps d’un match ma coéquipière de choc, et nous comptons à présent deux membres à particule (le premier étant le prolifique puisque père de deux membres du club, Bertrand De Lafargue).

Messire Delpech s’est d’ores-et-déjà réjouit de cette noble recrue, et j’ai du défendre mon rang en rappelant que j’étais moi-même Chevalier de l’Ordre du Clos de Rueil-Buzenval, un ordre obscur réunissant les pires amateurs de beuverie de la cité rueilloise. Le jetsetteur menaçant de ne plus me parler à moi, qu’il croyait simple roturier…

La noblesse du CERM, de gauche à droite : Messire Delpech (comprenez Del Pech, noblesse espagnole), le baron de la Fargue, la comtesse d'Auvigny et à droite le vigoureux chevalier de Lestrelin, tentant une fois de plus de se faire passer pour femme (à d'autres...)

Bref, l’aparté terminé, j’en reviens à ce match unique.
12h25, départ du TGV de Montparnasse, les 8 membres dans le même wagon en profitent pour se sustenter et régler les derniers détails. Frank révise sa préparation maison, il affronte le terrible MI Misa Pap, un joueur en forme qui a glané près de 50 points élo cette saison, pour atteindre 2521 au 1er janvier. Je m’occupe quant à moi de distribuer les dernières consignes (Mathilde doit apprendre la notation des coups) et expliquer le plan de match :

– Frank, en vaillant gardien de but, devra tenter d’annuler avec les blancs contre Misa, de 300 points son « aîné ».
– J’ai quant à moi le même rôle de gardien, au deuxième échiquier, opposé avec les noirs au talentueux Stanislas, 2267 (il m’avait déjà battu avec les noirs).
– Bertrand aura un adversaire de sa valeur, avec les blancs.
– Marc devrait gagner au 4ème échiquier avec les noirs, car il rencontrera vraisemblablement un joueur plus faible.
– Nous aurons ensuite le dessus sur les échiquiers 5, 6 et 7, mission donc pour Jean, Julio et Rodolphe de marquer les points de la victoire.
– Mathilde, pour sa toute première partie d’échecs, n’a absolument aucun objectif, et la défaite pourrait être un résultat logique face à la jeune joueuse de la Membrolle, actuellement en forme.
Le résultat global devrait être un 4 à 3 en notre faveur pour les pronostiqueurs prudents, et un écart montant à 5 ou 6 à 2 pour les optimistes.

Voilà pour la théorie.

La pratique a de son côté démontré une fois de plus que la théorie ne doit être prise que pour ce qu’elle est, pas grand chose.

GOUANELLE Franck 2194 0 – 1 m PAP Misa 2521
LESTRELIN Guillaume 2116 1 – 0 LOIRET Stanislas 2267
DELAFARGUE Bertrand 2092 0 – 1 CAREIL Jerome 2073
KIRSZENBERG Marc 2193 X – X LJUBOTINA Lazo 1963
LUCAS Jean-Christian 2076 1 – 0 ARENE Olivier 1828
ROJAS-GUERRA Julio 2090 X – X DE LUSSAC Maxence 1822
MARTINEZ Rodolphe 1916 0 – 1 VILAIN Thomas 1625
BOYELDIEU D’AUVIGNY Mathilde 1499 1 – 0 BIGNAND Claire 1470

Comme la feuille de match vous le montre, nous finissons sur un score nul, la Membrolle a réussi son pari et nos ambitions de montée diminuent d’autant.

Frank est passé près de l’exploit, ayant joué l’ouverture en virtuose, il arrive en milieu de partie avec un avantage quasi-décisif. Mais dans le zeitnot, la ténacité du maître yougoslave aura raison de lui. Un coup peu entreprenant de la part du boucher de Rueil suffit à son adversaire pour prendre l’initiative et faire exploser le centre de notre héros.
De mon côté, l’avantage d’ouverture de Stanislas disparait alors que mes fous prennent le contrôle du centre. La partie 2 tours + 2 fous tourne à mon avantage et ma proposition de nulle pourrait être une erreur. Cependant mon courtois adverse la refuse, et sous la pression, lâche une qualité. Je finis au 40ème coup en privant sa deuxième tour de toute case, tout en piègeant ses deux fous !
Bertrand, qui a jusqu’ici fait montre d’une grande régularité, se tire une nouvelle fois de l’ouverture avec l’avantage. Mais la finale lui passe totalement à côté : il joue pour le gain car son fou est probablement supérieur au cavalier adverse, mais l’activité des rois est le facteur décisif, et malheureusement, pas dans le bon sens !
Marc sort de l’ouverture avec une position désespérée contre un adversaire valeureux, le yougoslave joue un système qui lui est propre, et Marc propose nulle avec ma bénédiction. 2193 contre 1963, j’espérais là un point entier.
Jean est lui aussi sorti de l’ouverture avec une position désespérée, et obtient une victoire bien méritée, car sa défense a ensuite été sans faille. La compensation pour le pion disparait au fil des coups et son coup de boutoir, h4, lui laisse une position techniquement gagnante.
Julio est un de mes espoirs dans ce match, car sa sicilienne est des plus prometteuses. Après de grandes complications qui me sont restées obscures (j’étais concentré sur ma partie, celle de Frank et celle de ma copine), Julio transite dans une finale avec 2 pions de plus, bientôt 3 !
C’est peut-être la chaleur, la fatigue, ou simplement la grande ténacité de son jeune adversaire qui en est la cause, mais Julio ne prend pas ce troisième pion, rend le second, et la finale de tours permet même à son adversaire de retrouver l’équilibre matériel, synonyme de partie nulle.
Mathilde, pour sa première sortie, réalise une belle performance. Submergée par la pression -comme beaucoup d’entre nous, elle joue sa vie à chaque partie-, Mathilde craint de nous décevoir, craint de perdre, craint de ne pas gérer le stress, et conséquemment, stresse…
Sa défense a pu paraître fébrile, c’est vrai. La partie a tourné à l’avantage de sa jeune adversaire à un moment, puisque Mathilde a du se résoudre à donner un fou, c’est vrai. Mais la pièce n’est pas donnée sans compensation non plus, tout le monde s’en est rendu compte. Et la combinaison de mat en 4 coups qu’elle a trouvé a impressionné jusqu’à l’illustre Jean Lucas, le grand amateur d’études ! Elle bat là une joueuse classée 1470, elle qui ne connaissait pas le déplacement des pièces début 2009. Un début prometteur !

Rodolphe, inspiré, en pleine interprétation du Roi se meurt, de Ionesco.

Nous nous retrouvons donc à 18h dans la situation suivante : nous menons 3 à 2 et la seule partie restante oppose notre latin-lover à un émérite jeune de la Membrolle.

Rodolphe a les blancs, et la Benoni de son adversaire lui échappe quand il le laisse prendre le fou de cases blanches. Après une longue série de coups (peut-être 20) durant laquelle, et c’est remarquable, les deux joueurs jouent les coups de Rybka (nous l’avons analysée au retour dans le train), Rodolphe se retrouve dans une position quasi-désespérée, avec l’objectif clair de faire nulle (nous gagnerons ainsi le match). Les noirs jouent le coup de défense Df4 et s’emparent de toutes les cases, il n’y a plus d »échec perpétuel.

Rodolphe trouve alors la seule manoeuvre pour continuer la partie, Rg1 suivi de h4, qui non seulement menace échec perpétuel, mais tend en plus un piège diabolique. Il fallut beaucoup de sang-froid et de talent à son Vilain d’adversaire pour désamorcer la bombe et forcer l’échange des dames dans la foulée. La finale de tours sans espoir nous condamne alors à un match nul sur le score de 3 à 3.

Bravo à la Membrolle, non seulement pour le résultat du match, mais encore et surtout pour leur gentillesse et la qualité de leur accueil, dont nous devrions nous inspirer, nous avons réellement des leçons à prendre de ce petit club (gateaux maison, jus de fruit et café à volonté, sourires et organisation carrée comme un échiquier).

G.L.

2 Comments

  1. Renseignement pris auprès de la-dite reine du match, les titres ont été mélangés, monsieur de la Fargue récupère celui de baron car la comtesse est d’Auvigny.

  2. A tout seigneur tout honneur : notre plus ancien (et de loin !) membre à sang bleu est le Duc de La Salle, autrement dit Jean-Marie Le Grix !
    Nos lecteurs avaient bien entendu rectifié d’eux-même…

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